En l'absence de vérification de la situation administrative dans le fichier des permis de conduire, les seules déclarations faites avant d'avoir été informé du droit de se taire, puis sans avoir été informé du droit d'être assisté d'un avocat ne permettent pas de prononcer une condamnation.
Dans une récente affaire portée devant le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, la décision de relaxe obtenue par le cabinet en faveur d'une jeune fille poursuivie pour conduite sans permis rappelle l'importance cruciale du respect des droits procéduraux lors des enquêtes pénales.
L'affaire débute par un contrôle au cours duquel, spontanément et avant toute question des gendarmes, la conductrice d'un véhicule léger déclare ne pas avoir le permis de conduire. Elle est en conséquence conduite dans les locaux de la gendarmerie et entendue dans le cadre d'une audition libre de suspect pour conduite d'un véhicule sans permis, un délit prévu et réprimé par l'article L221-2 du Code de la route. Au cours de son audition, elle reconnaît de nouveau les faits qui lui étaient reprochés. Une ordonnance pénale lui était ensuite notifiée.
L'affaire paraissait pliée.
Toutefois, sur les conseils du cabinet, une opposition à l'ordonnance pénale a été formée et la copie du dossier de la procédure a été récupérée auprès du Tribunal de Saint Nazaire.
Une analyse rapide de la procédure a permis à Maître Pauline Marcé de se rendre compte que, loin d'être pliée, l'affaire avait toutes les chances d'être gagnée :
- Les aveux de la jeune fille avaient été recueillis en violation de ses droits fondamentaux d'être assistée d'un avocat et de se taire ;
- Aucun acte d'enquête n'avait été réalisé par les gendarmes pour confirmer le défaut de permis.
Nous l'avons dit, la jeune fille a été entendue sous le régime de l'audition libre. Or, un élément procédural essentiel a été omis lors de cette audition : la jeune fille n'a pas été informée de son droit à être assistée par un avocat.
Pourtant, l'article 61-1 du Code de procédure pénale prévoit expressément que toute personne entendue librement par les enquêteurs sur des faits constitutifs de crimes ou délits punis d'emprisonnement, doit être informée de son droit de se faire assister par un avocat. Dans le cas présent, la conduite sans permis étant un délit puni d'un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende, ce droit s'appliquait à la jeune fille.
La violation de ce droit fondamental à bénéficier des conseils et de l'assistance d'un avocat, a permis au cabinet d'obtenir l'annulation de l'audition libre, en application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Cette nullité a eu pour conséquence que les déclarations faites par la jeune fille lors de cette audition ont été purement et simplement supprimées de la procédure et ne pouvaient donc plus être utilisées comme élément de preuve devant le tribunal.
Par ailleurs, les déclarations spontanées faites lors du contrôle, retranscrites dans le procès-verbal de constatation, ne pouvaient pas non plus être utilisées pour fonder une condamnation, dès lors qu'elles ont été faites avant que la jeune fille n'ait été informé de son droit de se taire et de ne pas s'auto-incriminer et, de nouveau, sans avoir pu bénéficier de l'assistance d'un avocat.
Les alinéas 8 et 9 du III de l'article préliminaire du Code de procédure pénale ont inscrit ces principes généraux comme préambule de toute la procédure pénale :
"En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui.
En matière de crime ou de délit, le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire (...). Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans que ledit droit ait été notifié".
Le raisonnement et l'argumentation du cabinet ne s'arrête pas là : une fois l'ensemble des déclarations de la jeune fille écartées, restait à déterminer si d'autres éléments de l'enquête pouvaient caractériser le délit de conduite sans permis et justifier une décision de condamnation.
Et c'est là le plus incroyable de ce dossier : aucune vérification dans le fichier des permis de conduire n'a été effectuée par les gendarmes pour confirmer l'absence de permis de la jeune fille. Par conséquent, en dehors de ses aveux, aucun élément probant n'était présent dans le dossier de la procédure.
Le procureur de la République, "contraint de reconnaître sa défaite" selon ses propres termes, a fait sienne l'argumentation du cabinet, demandant au Tribunal correctionnel d'annuler l'audition de la jeune fille, d'écarter les déclarations spontanées et de prononcer une relaxe, faute d'éléments à charge extérieurs aux aveux.
La relaxe prononcée par le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire illustre l'importance du respect des droits procéduraux dans le cadre des enquêtes menées par les forces de l'ordre et a le mérite de rappeler qu'avant de déterminer si un justiciable a commis une infraction, les tribunaux doivent s'assurer que les enquêtes ont été menées en conformité avec la loi et dans le respect des droits fondamentaux.
Elle rappelle également l'importance d'être assisté d'un avocat pénaliste pour bénéficier de sa connaissance approfondie de la procédure pénale, de son analyse pointilleuse des actes d'enquête et des règles de droit. Elle rappelle enfin qu'il n'est jamais conseillé d'accepter une ordonnance pénale sans avoir pu prendre connaissance du dossier de l'enquête : Rappelez vous… l'affaire paraissait pliée, non ?
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